Le demi-pot de Bordeaux, modèle de Soulignac

Le demi-pot de Bordeaux, modèle de Soulignac.

 

Si les mesures à vin d’un même centre, Bordeaux dans le cas présent, celui-ci pouvant être influant sur une région, ont pour le profane une forte tendance à se ressembler, cela tient tout simplement au fait qu’à une époque déjà lointaine, 1572 plus exactement, les Maire et Jurats de la ville de Bordeaux, conseillèrent aux maîtres potiers d’étain de la ville, de prendre en exemple pour la fabrication des moules de leurs diverses mesures à vin, pots et autres canettes, les modèles fabriqués comme étalons pour la ville par l’un des leurs, Nicolas David, et exposés à l’Hôtel de Ville.

Lors de l’étude d’un pot, antérieur à cette année 1572, nous expliquerons ce qui avait motivé le changement des étalons.

Ainsi si la forme générale semble constante, c’est que depuis cette date, comme cela se faisait d’ailleurs auparavant, lorsqu’un maître potier d’étain veut réaliser ou faire réaliser un moule pour telle ou telle mesure à vin, il prend copie, par moulage du moule qui a servit précédemment à réaliser celle-ci.

Ainsi nous pouvons expliquer l’importance des empreintes citées dans les inventaires après décès : conserver ou posséder une copie du moule permet de faire un moule identique, pour son propre usage ou la revente.

 

Le demi-pot de Bordeaux.

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Description subjective :

Comme certains peuvent considérer voir autres choses que ce que nous voyons lorsque nous tenons une mesure à vin dans nos mains, personne n’est tenu d’user de nos mots, de ce qui précède chacun aura compris que le terme typologie est banni.

La panse, ou le corps, partie la plus large de la mesure est en forme de cône renversé ; elle est ornée de deux paires de filets gravés sous l’attache de l’anse.

La gorge s’érige au  dessus, sous une forme cylindrique complexe, et est différenciée de la panse par un ressaut à l’épaulement ; elle est également ornée de deux paires de filets gravés à mi-hauteur.

Le gobelet forme la partie supérieure, en saillie de la gorge, porté par un quart de rond ; une seule paire de filets gravés dans sa partie haute.

Le pied déborde de la panse par un autre quart de rond, harmonisant ainsi la mesure à vin, tout en préservant celle-ci de choc toujours possible, et pouvant altéré la capacité.

Le couvercle recouvre la gorge, et est en forme de feuille de lierre avec une forte nervure, l’extrémité recourbée.

L’anse sert à porter la mesure à vin et doit donc s’écarter suffisamment de celle-ci pour être prise en main confortablement ; plate à l’extérieur, elle n’est pas incurvée à l’intérieur pour épouser le corps, ce qui a obligé le potier a faire une soudure en épaisseur, elle devient moins large en descendant. Le plateau servant de support au poucier quand le couvercle est relevé, porte un décor moulé en zigzag. L’extrémité basse de l’anse porte un décor en bâtonnet orné d’un pas de vis. L’attache de l’anse au gobelet est comprise entre le haut du gobelet et la limite du quart de rond de celui-ci, très importante elle semble être la caractéristique principale de ce maître potier d’étain.

La charnière soudée au haut de l’anse maintient le couvercle en bonne position par un unique charnon goupillé, relié à une languette dont la partie supérieure est en débord et dont l’extrémité se relève au-dessus de la nervure du couvercle.

Le poucier est formé de deux glands de chêne, bien formés, sans aplat. Même la goupille maintenant le charnon est ouvragée sur ses deux extrémités.

A l’intérieur du gobelet, un ressaut détermine le niveau auquel la capacité est atteinte.

A l’intérieur du gobelet un double cercle concentrique obtenu lors du moulage. A notre avis il s’agit là d’une très ancienne habitude, ou coutume, qui permettait de connaître ainsi la capacité de la mesure par anticipation avant la pose du bon couvercle.

La complexité de cette description démontre à l’évidence l’absence d’une typologie imposée par qui que ce soit.

             Demi pot soulignac 04               Demi pot soulignac 03                Lierre grimpant inflorescence              Demi pot soulignac 05

Si nous insistons tant sur l’exacte dénomination des pièces en étain ancien qui survivent dans diverses collections, c’est que souvent, dans le mot même désignant l’objet se trouve la description de celui-ci.

Ainsi de cane, canette dont l’origine est dans le bas-latin quenna ; quelques documents entre 1380 et 1450 le cite, toujours dans le sens de « mesure à vin ».

Plus tardivement, dans l’Inventaire de Ramond de Cussac, chanoine de Saint-André (Bordeaux, 1442) nous pouvons relever « Una granda cana d’argent sobre daurata… »

Dans celui de Pierre de Capdeville, bourgeois et marchand (Bordeaux, 1591) « Trois grosses cannettes, trois cannettes de quatre, une de six, une de huit… »

Et dans l’inventaire de Grégoire Beaunom (Bordeaux, 1607) « plus six pintes, assavoir : ung cartz, demy-pot feuilhette, demy-pot, grosse canette, quanette de quatre et canette de cinq …»

Avec ce « demy-pot feuilhette » nous avons l’ancêtre de notre demi-pot présenté ici.

Car, d’après certains auteurs anciens, le mot de feuilhette, ou feuillette, viendrait des feuilles de lierres dédiés à Bacchus, à la forme desquelles, avec un bec en pointe on faisait de petites mesures à mettre le vin. De celles-ci sont restés seulement les couvercles car si voulez bien regarder  certaine variétés à feuilles rondes qui se terminent en pointe, avec leur nervure centrale, la ressemblance est beaucoup plus grande qu’avec une figue, laquelle étant dépourvue naturellement de toute nervure centrale…

La mémoire des bordelais doit conserver quelques souvenirs de ces fêtes des Vendanges dont certaines ont laissé des traces, sous cartes postales aujourd’hui, ainsi celle des 11 à 13 septembre 1909, où n’était autorisée, pendant celles-ci, que la vente de Vin de la Gironde et Eaux-de-Vie de Cognac et de l’Armagnac. Cette année-là, 300 000 bouteilles étaient prévues pour accompagner les trois représentations théâtrales, les cavalcades et Bacchus Triomphant.

Car de tout temps, immémoriaux, les bourgeois de la ville de Bordeaux sont francs, exempts et privilégiés de ne payer à la dite ville, ni coutume ni autre subside, sur les marchandises leur appartenant, sans fraude, comme par exemple « qu’ils ne l’ayent vendüe ni emparollée a aucun etranger. & que leurfdites marchandises aillent & viennent des lieux ou elles feront achetées pour estre conduites en la presente ville ou dans les limites, a leurs perils & fortunes & semblablement des marchandises qu’ils porteront ou envoyeront hors la dite ville & ailleurs a leurs perils & fortunes, comme dit est. »

Le vin étant cette marchandise, sa vente a toujours nécessité une mesure, qu’elle soit à l’assiette ou à pot, et c’est la raison pour laquelle à Bordeaux nous avons pots et canettes.

Par ailleurs, désigner ces objets sous un terme imprécis, inexact en l’occurrence, artificiel, n’est qu’un témoignage d’ignorance, et d’une béate satisfaction de l’inutile.

 

Description physique :

Hauteur hors tout : 245 millimètres.

Hauteur au niveau du haut du gobelet : 215 millimètres.

Hauteur intérieure au niveau du ressaut indiquant la capacité : 200 millimètres.

Diamètre du pied : 117 millimètres.

Diamètre au plus fort de la panse : 117 millimètres.

Diamètre à l’ouverture ronde du gobelet : 97 millimètres.

Largeur du bec au plus fort de l’anse : 149 millimètres.

Largeur du couvercle, à la pointe : 105 millimètres.

Largeur du couvercle, au rond : 105 millimètres.

Largeur maximum de l’anse : 22 millimètres.

Largeur minimum de l’anse, au bas : 18 millimètres.

Décor de filets gravés allant par paire : deux paires au milieu de la gorge, ainsi que deux paires à mi-panse, une paire en haut du gobelet.

 

Poids vide : 1,381 kilogramme.

Poids avec eau au niveau du ressaut intérieur du gobelet : 2,513 kilogrammes.

Photographie avec de l’eau jusqu’au ressaut intérieur du gobelet.

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Lors des recherches effectuées le 23 avril 1772, les observations & expériences sur la contenance du pot bordelois ont décrit :

« … Une autre mesure neuve d’étain, tenant un demi-pot Bordelois, prise également parmi un grand nombre d’autres, étant pleine de la même eau, a pesé 5 livres 5 onces.

Elle a pesé étant vide 3 livres justes.

L’eau qu’elle contenoit pesoit donc 2 livres 5 onces… »

Notre demi-pot présent est un peu plus lourd

 

Poinçonnage :

Sous le pied, la marque pour l’étain commun d’Etienne Soulignac.

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