Les écuelles à couvercle bordelaises

Les écuelles à couvercle bordelaises.

 

Ou comment organiser une recherche  fondée sur le bon sens.

 

De nombreux collectionneurs se sont extasiés sur la beauté des couvercles des écuelles de Bordeaux, les écrits modernes n’ont pas été en reste et certains de leurs auteurs les ont même classés « en quatre types ».

Pourtant, nul n’a cherché à savoir ce que les maîtres potiers d’étain pouvaient penser de l’esthétique de leurs fabrications, quelle fierté il pouvait avoir. Aussi, après la typologie des mesures en étain, ces malheureux pots et canettes transformés en piteux pichets dans la littérature moderne des objets en étain anciens, nous devons dénoncer celle des couvercles d’écuelles à travers la transcription partielle ou totale de multiples inventaires réalisés après décès d’un maître potier d’étain, où ceux qui savent, d’autres maîtres potiers d’étain sont toujours présents. Ainsi il n’y a pas de risques d’erreurs sur les dénominations.

 

Historique :

Une écuelle, ou escuelle plus exactement puisque ce mot semble dérivé de esculus, un très grand chêne dont les glands étaient comestibles, et dont était fait cet objet parce que son bois était moins sujet à se fendre que les autres espèces. Il était le meuble essentiel du service de table dans tous les ménages, fussent-ils royaux, un vase à deux oreilles dont on se servait pour manger des ragoûts, boire des bouillons et consommer des potages, pour deux personnes, puisque cet ustensile, ancêtre de nos assiettes creuses, suscita certaines remarques, dont celles formées dans l’ouvrage des Délices de la campagne, de Nicolas de Bonnefons, valet de chambre du roi, édition de 1673, où l’auteur précise : « les assiettes des convives seront creuses aussi, afin que l’on puisse se présenter du potage et s’en servir soi-même, ce que chacun en désirera manger, sans prendre à cuillerée dans le plat, à cause du dégoût que l’on peut avoir les uns des autres de la cuillère qui, au sortir de la bouche, puisera dans le plat sans l’essuyer auparavant. »

Ainsi du bois, l’écuelle trouva dans une nouvelle matière, l’étain, l’occasion d’un renouveau non dans sa fonction, mais dans son aspect, moins rustique, moins rudimentaire, avant de devenir la gamelle pour le chien d’aujourd’hui.

Pour vous en convaincre, nous vous proposons avec quelques inventaires après décès de maîtres potiers d’étain, quelques contrats de location de moules.

 

Au XVe siècle.

Extrait d’un ouvrage du chanoine Raymond Corbin, paru en 1888, « Histoire de Pey Berland », illustre aquitain qui ne vécut jamais français, qui nous rapporte sur le treizième interrogatoire de l’enquête pour sa canonisation ceci :

« ...s’il a supporté, remis et pardonné leurs offenses à ceux qui l’avaient outragé, voici la réponse : soit paroles injurieuses, soit injustices, le saint pardonnait tout avec douceur et ne se souvenait d’aucun tort. Un trait, entre plusieurs, de sa délicatesse dans cet ordre d’idées. Un jour de Noël, certain domestique de sa maison vola presque toute sa vaisselle, qui n’était qu’en étain, et fut la vendre. Pey Berland défendit à ses autres serviteurs de découvrir ce fait à personne, de rechercher le coupable, et de revendiquer les objets volés, bien qu’on les eût trouvés entre les mains de marchands potiers en métal .... »

Pey Berland naquit dans le Médoc, à Saint-Raphaël, en 1375 et mourut en 1458.

 

Au XVIe siècle.

En 1509, Arnault Richard maître pintier paroisse Saint-Michel donne à louage à Thomas Crestien et Pierre de Lalande, pintiers paroisse Saint-Maixent des moules de cuivre servant au métier de pinterie.

« Ung mole de quarte d’Angleterre,

Ung mole demy pot feillete,

Deux molles demy pot l’ung a pie hault l’autre a bas pie,

Ung molle de pinte d’Angleterre a hault pie,

Ung molle de grosse canete,

Ung de quatre le carton et

Ung de cinq,

Ung molle d’esgueyre a brosseron,

            Le tout en terre,

Ung mole de petit plat,

Ung mole de grande escuelle,

Ung mole de petite escuelle,

Ung mole d’escuelle a orelhe avecques son emprunte,

Deux molles de tasse avecques leurs empruntes,

Ung molle de tasse a la mode judayque,

Ung molle d’esgueyre carrée,           

Les orfèvres appelaient quarré de pied d’un flambeau, d’une aiguière, & de tous autres ouvrages, ce qui leur sert de pied, de quelque figure qu’ils soient ; carrés, ronds, ou à plusieurs pans ou angles. Dictionnaire d’Antoine Furetière.

Ung molle de carton carré,

Ung molle demy pot carré

Ung  molle de cinq le carton carré avecques les garnysons,

Sous ce dernier terme sont compris l’anse, couvercle, charnière, poucier.

Le tout de cuyvre » .

            A.D.G. 3 E 4467, notaire Jacques Devaux, 1480-1519.

 

Le 28 décembre 1509, Arnaud Richard maître pintier à Saint-Michel donne à louage à Thomas Crétien et Pierre De Lalande, pintiers à Saint-Maixent des moules de cuivre servant au métier de pinterie.

« Premierement une barrade,

Ung quarteron a la mesure de Bourdeaux,

Une quarte dangleterre,

Ung demy pot a fillete,

Ung demy pot de Bourdeaux,

Une pincte dangleterre,

Ung goubet, une chopine, le tout carrez  et sans aucune garnison, 

Ung mole de grandz platz de quatre livres,

Ung de trois livres,

Ung de deux livres et demye,

Ung de escuelles a deux ances,

Ung de petites escuelles d’une livre et demye a petit bort,    

Ung d’ escuelles a oreilles,

Ung saucier de troys quarz aussi le tout de cuyvre,

Cinq escouynes, et une croisee de fer ».

Location pour quatre années moyennant sept francs par an, est témoin Jehan Danglas « pinctier ».

            A.D.G. 3 E 4467, notaire Jacques Devaux, 1480-1519.

 

Le 2 octobre 1511, contrat de location entre Arnault et Jehan Richard, frères, maîtres pintiers, qui louent à Jehanot de Villevielle et Méry Choutier, pintiers à présent demeurant à Bordeaux,

« Les moules de cuyvre suivants :

Ung mole de carton,

Plus une carte d’Angleterre,

Plus demy pot fillete,

Plus demy pot de Bourdeaux,

Plus une pincte d’Angleterre,

Plus une chopine de III le carton appellée gobet,

Plus une chopine de IIII le quarton,

Plus ung plat de IIII livres,

Plus un plat de III livres,

Plus un plat de II livres et demie,

Plus une escuelle de II livres,

Plus une escuelle de une livre et demie,

Plus une escuelle à oreilles,

Plus ung saucier de III cars,

Plus un saucier de demie livre,

Plus ung mole de tasse, on y a enjoint ung fontene de vendange,

Plus ung fons de quarton,

Plus ung fons de ½ pot,

Plus une table  de glans,       

Il s’agit d’un moule permettant de faire en même temps de nombreux exemplaires d’un petit objet, ici les glands du poucier

Plus une table de clous,         

Ceux-ci sont les axes de la charnière.

Plus une ance de carton,       

Plus ung couvercle de quarton,

Plus ung couvercle de quarte, pot d’Angleterre,

Plus ung couvercle de ½ pot fillete avecques son ance,

Plus ung couvercle de demy pot,

Plus ung couvercle de gobet avecques son ance,

Plus ung couvercle de chopine avecques son ance le tout de cuyvre,

Plus ung escouyne de fer, plus une roue de fer, plus une croisée de fer. »

Le tout doit être utilisé en une seule boutique à La Réole pendant trois ans moyennant dix francs par an. Sont témoins André Escochart et Pierre Royer pintiers demeurant à Bordeaux.

            A.D.G. 3 E 4471 f° 147, du 2 octobre 1511, notaire Jacques Devaux, 1511.

 

Le 2 octobre 1534, inventaire après décès  des biens demeurés et délaissés par feu Nycollas Bonnault.

« ..dit Myrollet, en son vivant bourgeoys et maistre estanguier demeurant en rue des Faures » à la requête de sa veuve, Gaillardine Lymosin, assistée des exécuteurs testamentaires Pierre de Brucelles et Jobert de Romeffort, et en présence de Jean Danglars et François Cernon étaigniers témoins.

« Premièrement c’est trouvé, ung molle de cuyvre a fere platz de troys livres,

Plus ung molle de platz en cuyvre de deux livres et demye,

Plus ung aultre molle en cuyvre de deux livres,

Plus ung molle descuelles a oreilhes, ensemble le tout en cuyvre, auquel on dict la moytie seullement luy apartenir,

Plus ung molle en cuyvre de saulcier d’une livre,

Plus ung molle d aciete en cuyvre duquel la moytie apartient à Pierre Lecoq comme ont dict,

Plus ung de tranchouers  carrez a deux ...  de cuyvre,         

Plus ung molle de tasses avec son anse  de cuyvre, 

Plus ung molle grand pastissiez  en cuyvre avec son ...,      

Plus ung molle de petitz pastissiez avec son ...,

Plus ung molle de hances de cartons rondz avec sa charnyere en cuyvre,

Plus ung molle de hances de my potz avec sa charnyere en cuyvre,

Plus ung molle de cuyvre a fere escuelles a orelhes a fasson d’argent,  lequel ont dict la moytie apartenir a Pierre Le Coq.

Plus ung molle de hences de gobet avec sa charnyere en cuyvre,

Plus ung molle de hence de chopine avec charnyere en cuivre,

Plus ung molle de grand ... en terre,

Plus ung molle de grand barrade en terre,

Plus ung molle de carthon de la grande mesure en terre,

Plus ung molle de carton a hault pied en terre,

Plus ung molle de carthon rond avec son couvercle,

Plus ung molle de my pot fillete a hault pied avec son couvercle,

Plus ung molle de demy pot rond avec son couvercle,

Plus ung molle de demy pot fillete en terre,

Plus ung molle de demy pot a hault pied,

Plus un aultre molle de demy pot rond avec son couvercle,

Plus ung molle de demy pot,

Plus ung molle de gobet,

Plus ung molle de demy pot rond avec son couvercle,

Plus ung molle de chopine de quatre le carton,

Plus ung molle de cinq le carton,

Plus ung molle de six le carton,

Plus ung molle d esguyere grand,

Plus ung aultre petit molle d esguyere,

Plus c est trouve unze molles de potz ronds en terre telz quelz et les tous vieulx et en partie casses,

Plus ung molle de tranchouers ronds a dix carrez en terre,

Plus troys habres carrez et deux aultres rondz ce qui est en tout cinq habrez, tous de fer,

Plus deux rouetz de fer .. .auditz habres,

Plus six cuilheres de fer pour besongner en estaing telz quelz,

Plus troys tours de boys pour tourner tant pour tourner vaisselle que la poterie ronde et pour habiller les molles,

Plus ung cheallet a gecter la vaisselle,

Plus deux soufflets,

Plus s est trouvé de charbon certaine grande quantité qui a este estime cent seze francs,

Plus une grande ballance a brach en fer,

Plus une petite ballance a pois et ... la vaisselle a brach de fer,

Plus ung poix de plomb avec sa boucle paisant ung quintal,

Plus ung poix de plomb avec sa bocle paisant demy quintal,

Plus ung poix de plomb avec sa bocle de XXV livres,

Plus ung poix de XII livres 5 marcs de plomb avec sa bocle,

Plus ung poix de VI livres de cuyvre avec sa bocle,

Plus ung poix de III livres de plomb sans bocle,

Plus quatre onces en quatre piecez chescune de cuyvre,

Plus deux III livres de cuyvre, ung cart et demy cart en cuyvre,

Plus ung molle de bague de ... en cuyvre,

Plus six escouengnez de fer,

Plus vingt croches tant pour poterie carree que ronde tels quelz,

Plus une feuille de saulge et un crochet a tourner les esguyeres par le dedans,

Plus ung brenyssouer de tour,

Plus ung affilhouer et ung crathouer a une main,

Plus quatorze fers carrez et quatre corbes pour soulder,

Plus une tenaille a souder la vaisselle,

Plus deux mouhettes,

Plus troys couteaulx a deux mains,

Plus deux couteaulx a tranchouer,

Plus deux brenyssouers a deux mains,

Plus deux cyssoueres,

Plus trous sizeaulx,

Plus une vrilhette,

Plus troys marteaulx a panne,

Plus troys marteaulx a forger,

Plus ung molle de cloux en cuyvre,

Plus ung bratz Saint George,

Plus deux romeynes de fer a paiser,

Plus une enclume a forger, ensemble le tasselet, le tout en ung bilhot de bloix,

Plus ung petit soufflet,

Plus une meule avec sa garniture,

Plus une bassine de cuyvre a souder,

Plus deux tubes ... de tranchouers,... continuation de l’inventaire le 5 octobre,

C est trouve sept quintalz et demy estaing neuf houvre tant en poterie que vaisselle d estaing,

Plus deux quintalz et demy d estaing vieulx, partie tout rompu et partie assez bon,

Plus  c est trouve une barrique de vin, estimee a quatre francs  quatre sols,

...Plus  ung molle de cuyvre a faire petites escuelles plates,

Plus quatre estilladuys, deux petits et deux grandz, et certaine quantite de plomb paisant le tout ung quintal et demy,

... et une somme de 20 francs bordelais en or et argent. »

A.D.G.  3 E 8794 et 8795 des 2 et 5 octobre 1534, notaire Jean Lortie.

Bien sur, avec l’écriture de l’époque il est préférable d’écouter chanter la langue si on veut comprendre le texte.

 

En récapitulant les informations relatives aux écuelles en étain, nous avons :

- écuelle grande,

- écuelle petite

- écuelle planière,

- soit, écuelle petite d’une livre et demie, ou de six quarts, soit 612 grammes,

- soit, écuelle de deux livres, soit 816 grammes,

- soit, écuelle de cinq quarts, soit 510 grammes,      

- et, écuelles à oreilles, façon pièce d’argenterie,

- et, écuelle à deux anses.

 

Au XVIIe siècle.

Nous reproduirons d’abord une commande de l’archevêque catholique au potier d’étain protestant …

 

Estat de la vaisselle destaing raffiné dangletere que Monseigneur larchesque de Bordeaux a faict faire dans la boutique du sieur Taudin bourgeois et me pintier dudit Bordx qui a esté livrée a mond seigneur par ledit sieur Taudin dans le chasteau de Lormont le xxi e juillet 1668.

Scavoir

Dix grands plats faicts au marteau peisant cinquante livres a vingthuict solz la livre            70 #

Plus douze assiettes volantes dix assiettes Mazarines, deux assiettes potageres, et six douzaines d’assiettes de la table pesant cent vingt une livre et demie a vingt deux sols la livre                                                                                                                   133 #   13 §

Plus en menuiserie six bassines en auvalle a neuf livres piece                                             54 #

Plus six esguieres rondes garnies de fleurs a 4 # 10 § piece                                                27 #

Plus deux soucoupes a 3 # piece                                                                                            6 #

Plus deux grandes escuelles a 30 § p                                                                                 3 #

Plus deux sucrieres a 2 # piece                                                                                              4 #

Plus une salliere et un collier dessus                                                                                      4 #  10 §

Plus quatre sallieres d’intervalle a 1 #  5 § piece                                                                    5 #

Plus un pair de colliers ajour                                                                                                   3 #  10 §

Plus un vinegrier                                                                                                                     2 #

Plus quatre goubellets de chasse d’estaing fin                                                                      3 #

Plus pour la gravure                                                                                                             60 #  4 §

 

Sieur Pascaud vous payerer au sieur Taudin bourgeois et me pintier de bordx la somme de trois cent soixante deux livres quatre sols pour valeur de la vaisselle contenue au present estat et raportant le present Mandement avec la quittance dud sieur Taudin lad somme de trois sent soixante deux livres quatre sols vous sera allouée et passée en compte. faict a Lormont le xxi e juillet 1668

 

Signé HENRY ARCH DE BOURDEAUX

 

Pour la somme de trois cent soixante deux livres quatre sols Jé receu demonseigneur l archevesque de Bourdeaux par les mains de monsieur Pascauld la somme de trois cents soixante deux livres quatre sols pour le compte cy desus ou en lautre part mantionné a Bourdx le 22 e juillet 1668

                                                                       J Taudin pour mon père

Soit Joseph Taudin faisant pour son père Jonas, lequel savait graver armoiries et autres décors sur les objets en étain qu’il fabriquait. Vous remarquerez que pour deux « méchantes », ainsi disait-on pour les malheureuses d’aujourd’hui, deux méchantes écuelles à 15 deniers l’une, il n’y a pas de quoi s’extasier…

 

Il nous faut attendre la fin de ce siècle pour avoir, avec l’inventaire après décès de Jacques Coste, potier d’étain, réalisé le 25 février 1695, une idée plus précise des écuelles de Bordeaux.

Nous profiterons de l’occasion pour jeter un regard sur l’atelier et sur la boutique d’un maître potier d’étain en cette fin de siècle si importante pour les collectionneurs d’étains anciens.

 

            « Du vingt cinq Février mil six cens nonante cinq apres midy a este presante en sa personne Izabeau Pebriere dam[ois]elle  veuve et creanciere de feu Jacques Coste vivant bourgeois et m[aistre] pintier destaing de Bordeaux y habitant rue et parroisse Sainte Colombe laquelle a dit que led[it] feu sieur Coste est decede le vingt Decembre dernier a cauze de quoy lad[ite] Pebriere sans en rien prejudicier et pour la conservation tant de ses droicts que de ceux de Marianne, François, Jeanne, Jacques et Tereze Coste ses enfants a requis moysd[it] notaire me vouloir acheminer dans sa maison pour faire description & invantaire des meubles & effets delaisses par led[it] sieur Coste ce que luy ai accorde.

 

Premierement cent trante trois gresalles de diverses grandeurs

Plus cinquante callottes aussi de differantes grandeurs

Plus cent huitante cinq assiettes de differantes grandeurs

Plus cent sept plats de differantes grandeurs

Plus vingt et une assiettes volantes

Plus vingt trois assiettes mazarines

Plus nonante trois demy pots

Plus quatre quartons

Plus un demy pot feuillette

Plus sept grosses canettes

Plus dix sept canettes de quatre

Plus vingt canettes de six

Plus quarante six canettes de huit

Plus septante deux escuelles de differantes grandeurs

Le tout pesant douze cent nonante livres à neuf sols la livre monte cinq cens huitante livres dix sols.

                                               sensuit la menuyserie,

Premierement vingt deux chandeliers

Plus dix petits chandeliers

Plus trante grandes seringues

Plus six seringues d enfans

Plus cinq eguieres couvertes

Plus onze esguieres descouvertes

Plus vingt trois huilieres

Plus quinze vinaigrieres a la vieille mode

Plus six vingt burettes

Plus cinq pots de chambre s.......ses

Plus six pots de chambre a la vieille mode

Plus six escuelles couvertes

Plus quatorze bénitiers

Plus douze petites salieres

Plus vingt cinq salieres a hoctogone

Plus unze taces a pied

Plus onze goubelets

Plus vingt trois taces a deux anses

Plus vingt et une taces a oreilles

Plus huitante  quetre taces petites aussy a oreilles 

Plus vingt quatre dousaines de cuilleres

Plus quatorze poilottes

Plus deux cremieres

Plus deux bouteilles

Plus deux porte dinés

Plus vingt et une salieres a la vieille mode

monte toute la menuyserie commune trois cens cinquante quatre livres à dix sols la livre montant cent septante sept livres. 

 

Plus cy est trouve dans lad[ite] boutique de vieilles vaisselle destaing commun la pesanteur de onze cens huitante quatre livres

Plus sept belouses desteing trouvees dans le travail pesant trante livres lun avec lautre revenant au poids de onze cens quatorze livres a raison de six sols la livre monte trois cens soixante quatre livres quatre sols.

 

Plus cy est trouve dans ladicte boutique les ouvrages desteing qui sensuivent savoir  en plats et assiettes desteing fin

Deux bassines rondes

Plus deux grands plats de la pesanteur chacun de sept livres

Plus sept grands plats de la pesanteur chacun de six livres

Plus huit plats de la pesanteur chacun de cinq livres

Plus vingt cinq plats de la pesanteur chacun de quatre livres

Plus dix sept plats de la pesanteur chacun de trois livres

Plus seze plats de la pesanteur chacun de deux livres et demy

Plus dix plats de la pesanteur chacun de deux livres

Plus cinq plats potagers de la pesanteur chacun de quatre livres

Plus trois assiettes a garnir de la pesanteur chacune de trois livres

Plus douze autres assiettes a garnir de la pesanteur chacune de trois livres et demy

Plus trante assiettes volantes

Plus quarante assiettes potageres

Plus trante assiettes de table

Plus soixante assiettes a la dauphine

Plus quarante huit assiettes dautre facon

Plus huit douzaines autres assiettes potageres

Plus six petits plats a portion

tous les susd[its] plats et assiettes desteing fin pezant sept cens trante cinq livres a raison de seze sols la livre monte cinq cens huitante huit livres

en esteing vieux pesant trois cens soixante trois livres a raison de treze sols la livre monte deux cens trante cinq livres dix neuf sol

 

                                   sensuit la menuyserie en esteing fin

Premierement douze petites taces a deux anses

Plus dix eguieres couvertes

Plus six eguieres descouvertes

Plus six chandeliers desglise

Plus quatre chandeliers grands a hoctogone

Plus six chandeliers moyens

Plus huit dautres moindres

Plus quatre de plus petits

Plus vingt chandeliers carres a la vieille mode

Plus quatre chandeliers ronds

Plus six grandes escuelles couvertes

Plus trois petites escuelles couvertes

Plus douze petites escuelles descouvertes

Plus dix grands benitiers

Plus deux pissines

Plus six vinaigrieres

Plus quatorze salieres a hautogones a la mode

Plus vingt quatre petites salieres rondes

Plus quatre salieres a p.....

Plus quarante douzaines de cuilleres

Plus quarante douzaines de fourchettes

Plus six pots de chambre r.......ses

Toute la menuyserie esteing fin pese trois cens livres a raison de six sept sols la livre monte deux cens cinquante cinq livres

Et de lad[icte] boutique serions montes dans une antichambre a costé du travail ou avons trouve ce que sensuit

Premierement un moule dauvale servant a deux cottes

Plus un moule de plats de la pesanteur de six livres

Plus un autre moule de la pesanteur de cinq livres

Plus un autre moule de la pesanteur de quatre livres

Plus un autre de trois livres

Plus un autre de deux livres et demy

Plus un autre moule de deux livres et quart

Plus un autre moule de deux livres

Plus un autre moule dune livre & demie

Plus un autre dassiette crezez a petits bords

Plus un grand moulle descuelle ancien

Plus un moulle descuelle moien avec sa couverte

Plus un autre moule descuelle de demy livre

Plus un autre moule de poilettes

Plus deux moules de taces a oreilles

Plus six moules dassiettes de differantes grandeurs antiens

                                     Sensuit les moulles de poterie et menuserie

Premierement le moulle des quartons

Le moulle de demy pot feuillette

Le moulle de demy pot

Le moulle de la grosse canette

Le moulle de canette de cinq

Plus le moulle de canette de six

Plus le moulle de canette de huit

Plus trois moulles de couvercles avec leurs garnisons

Plus un moulle de pate de grands chandeliers ronds avec son moulle des branches portant deux moulles de bas de ladite branche antien

Plus deux autres moulles de bas de ladite branche antien

Plus deux autre moulles de patte ronds

Plus un moulle de grande seringue avec son ... moulle de garnison

Plus un moulle de pot de chambre

Plus un moulle de porte assiettes

Plus un moulle de saliere a corps vuide

Plus un moulle de grande saliere a six pans avec son moulle de bassinet

Plus un autre moulle moien a six pans avec son bassinet

Plus un autre moulle de salieres rondes a corps vuide

Plus un moulle dhuiliere avec sa garnison

Plus un moulle de tace de peysantz

Plus un moule de goubeletz

Plus un moulle de bra... antien

Plus un moulle de vinaigrier avec son moulle de garnison

Plus un moulle de bouton deguiere

Plus un moulle de brouseron

Plus un moulle de pate de chandelier antien avec un moulle de branches de sa sorte

Plus un petit moulle de saliere a lantique

tous les susd[its] moulles pezant mille livres a raison de trente livre le quintal monte trois cens livres le quintal monte trois cens livres et attendu lheure tarde avons mis la continua[ti]on dudit invant[ai]re a un autre jour et du tout ma requis acte que luy ay octroye faict a B[ordeau]x dans ladite maison ez presence de G[uillau]me Sejourne & Arnaud Virevalois.

Lad[ite] Pebriere a declare ne scavoir signer de ce interpellee par moy

                                                           Signes :  Sejourne                   Virevalois

Soit :

- la grande écuelle ancienne,

- la grande écuelle couverte,

- l’écuelle moyenne avec son couvercle,

- la petite écuelle couverte,

- la petite écuelle découverte

- l’écuelle d’une demi-livre, soit 0,204 kilogramme.

 

Au XVIIIe siècle.

Il nous est difficile de passer sous silence l’inventaire rédigé sur 138 pages par Maître Jean-Baptiste Lamestrie, notaire, conservé aux Archives  Départementales de la Gironde  sous la référence 3 E 7964, période 1709 – 1710, lequel constitue le principal document sur les potiers d’étain au début du XVIIIème siècle, période florissante de ce métier.

Cet acte est transcrit en présence des deux fils héritiers, Joseph et Jonas, l’un contestant l’autre, assistés de deux membres de la famille, Joseph Durand, né de Isaac Durand et de Marie Taudin, mariés en 1667 d’une part, et, Hélies Marcou, époux de Marie Bruigues, fille de Daniel Bruigues et de Marie Taudin, cadette de la précédente Marie, tous deux marchands et bourgeois de Bordeaux.

D’une incroyable richesse dans sa complexité nous ne pouvons le reproduire dans son intégralité. Depuis les couleurs des tissus, jupons de taffetas bleu doublé de rouge, autres de satin feuille morte piqué, doublé de toile peinte, manteau de crépon en soie, la bibliothèque et ses livres constituant les sources culturelles du défunt potier : cartes de l’Europe et plan de Paris, sa généalogie exprimée à travers les actes anciens conservés, et malheureusement seulement cités, et les tableaux représentant les ancêtres, grand tableau représentant le grand père, la grand mère, la mère et les deux tantes du potier décédé, des choses curieuses tels ces deux quintaux de boulets de canon de tous calibres et de fer, un tableau de Saint-Jean chez cet ancien protestant et un autre de Louis XI, trois paires de souliers neufs, cinq coiffes de bonnet de lucarnan, presque neuves, servant au défunt, cinq mouchoirs à dentelles, deux culottes unie de sarge canelle & l’autre de drap noir, une paire de gants blancs, etc...

Le portrait est parfait. Cependant nous ne nous intéresserons qu’au thème des écuelles :

 

118 µ Escuelles raffines vielle mode a 24 § la µ…

28 Couvercles d escuelle moyen a goldron cõmun a 10 § piece…

50 Escuelles grandes a fuillage couvertes a la mode a 55 § piece

56      «          moyenes a 49 § la piece…

Et aux moules :

220 µ En moulles de la Vente Courtois a 12 § la µ…

7     moules     d escuelles de diverses grandeurs…

2     moules     de couvercles d’escuelle a chacun deux chappes…

le tout vieux moulles pt ensemble 1370 µ a 12 § la µ     

Etat réalisé par Jean Chauveau et Jean Graves. »

Il ne sera donc pas étonnant de rencontrer, si elles existent encore, des écuelles quasiment identiques, portant une fois la marque de André Courtois, une autre fois celle de Joseph Taudin.

La chappe, ou chape, est le couvercle bombé dont on recouvre les mets pour les empêcher de se refroidir. Les parisiens doivent bien connaître ce mot puisque dans les statuts de mars 1599 de la communauté des traiteurs et restaurateurs, Henri IV les qualifie de maîtres queux, cuisiniers et porte-chappes de la ville de Paris…

 

Inventaire après décès de Daniel Perrinet :

« AUJOURD HUY vingtieme novembre mil sept cent dix environ les deux heures après midy, nous notaire royal à Bordeaux et en Guienne soussigné, au requis de Marie Giraudeau veuve de sieur Daniel Perrinet bourgeois et marchand potier d’eteing de Bordeaux demeurant en ladite ville au bout de rue Maubec paroisse Saint-Michel au devant la place du Marché Neuf,…

un grand moule d’escuelle,

un moulle d’escuelle moyenne,

autre moule d’escuelle de paizan moyen,

un petit moule d’escuelle…

un moule de couvercle d’escuelle en trois pièces dont l’une est gravée et l’autre unie,

un moule de couvercle de petite escuelle,

un moule d’anse de petite escuelle,… »

                    A.D.G. 3 E 7965 f°912 et suivants, notaire Jean-Baptiste Lamestrie.

 

Inventaire après décès de Hélies François :

« Aujourd’huy seize mars mil sept cent soixante quinze avant midy PARDEVANT le conseiller du roy, notaire à Bordeaux soussigné, a comparu sieur François Fabreguettes marchand potier d’étein demeurant à Bordeaux rue des Ayres paroisse Sainte-Eulalie, héritier fidéicomissaire* de sieur Hélies François aussy marchand potier d’étain, son beaufrère suivant son testament nuncupatif* du jour d’hier reçu par Gabriel Sejourné l’un de nous dits notaires,…

…ledit sieur Fabreguettes a d’abord ouvert la porte de la boutique du défunt dans laquelle nous sommes entrés en sa compagnie et en compagnie des sieurs Jean Paquin et Pierre Bousquet aussy maîtres marchands potiers d’étain, sindics de leurs communauté, demeurant tous deux à Bordeaux, rue et paroisse Sainte-Colombe, experts à ce appelés par ledit sieur Fabreguettes soit pour l’assister audit inventaire, soit pour procéder à la prisée et estimation des marchandises, moules et autres outils de leur art.

Et procédant audit inventaire nous avons été conduit de suite dans l’arrière-boutique du défunt où il est mort et où son corps git encore, où il y a une petite armoire de sapin…

Un moule d’écuelle à moine, oreilles unies,

un moule d’écuelle à frises,

un moule d’écuelle couverte, y compris ses deux boutons, une chape unie et deux oreilles, dont une en étain,… »

 

Mais de tout ceci, convenez qu’il y a peu sur la beauté des couvercles des écuelles en étain de Bordeaux. Par contre, vous connaissez une trentaine de maîtres potiers d’étain dont vous pouvez retrouver la marque sur une écuelle. Nous avons si souvent lu des attributions  d’objets en étain ancien, à des maîtres qui n’ont jamais pu les fabriquer, car n’ayant jamais eu en leur possession des moules permettant leur fabrication, que nous voulions remercier la personne qui vous a adressé, à vous, chers consultants de notre site, un courrier intitulé  « Méfiez-vous de Monsieur Martial Dupuis »

Effectivement, nous sommes dangereux, nous propageons la Vérité, et Guy Béart l’a beaucoup mieux chanté que nous pourrions le faire, nous qui ne savons même pas faire des copies de pièces anciennes, du 18e siècle par exemple, désolé nous ne vendons rien, nous créons et offrons nos créations, à qui veut en prendre connaissance, sans aucune contrainte ni même contrepartie.

Tout est vérifiable, conformément avec l’accord passé avec les Archives départementales de la Gironde, vous pouvez relever nos cotes, et sur place, allez consulter les documents cités, vous y serez très bien reçus.

 

Et un peu de poésie pour clore cet article.

          Un sot n'a pas assez d'étoffe pour être bon, François de la Rochefoucauld.

          Chacun a sa façon d'interpréter les choses

          Les sots en leur chemin ne trouvent que des roses, Jacques du Lorens.

          Ainsi qu'en sots auteurs,

          Notre siècle est fertile en sots admirateurs, Nicolas Boileau.

          Un sot sera plus souvent un méchant qu'un homme d'esprit, Denis Diderot.

Le savoir n'est jamais ennuyeux.

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